Performance réalisée pour le Wetoo Festival, 19 sept 2025 au Point Fort, Aubervilliers
©Emmanuelle Jacobson Roques
extrait :
“La syncope de l’extase, ce renversement des corps de femmes offert aux mains calleuses des artistes.
Morcellement des corps de femmes qui peinent à ouvrir leurs yeux sur tant de lumière… La lumière de l’extase qui les pénètrent par tous leurs orifices… Et quand il n’y a plus rien à pénétrer, et bien on invente, on plante dans la chair molle et offerte le pieu de la secousse ultime… Ca ne saigne pas ou si peu, ça ne crie pas plus, l’oeuvre est figée.
Comme on l’a désiré ce corps offert à la syncope. Sainte Thérèse, Marie Madeleine, Esther devant Assuerus, Callirhoé, les concubines de Sardanapale. Femmes sacrifiées, brulées et humiliées au service du frisson, mais aussi celles qui épousent silencieusement le délice charnel du pieu de Dieu en évitant ainsi le bûcher.
Ça semble loin tout ça. Mais raconter c’est tisser des fils entre passé et présent. Et moi, aujourd’hui, j’entends la suffocation, je sens les vapeurs utérines qui émanent de ces trous, je vois dans la torsion la peur. Alors, je me demande qu’en est-il aujourd’hui des ombres qui succèdent ces sacrifices ?
Quand j’ai commencé à modeler mes petites figurines, j’ai pressé mes doigts et mes paumes sur la terre fraiche et tendre, je voulais voir la bascule, mais sans jamais les faire tomber. Elles sont droites dans leur chute, elles sont dignes dans la perte, elles se touchent et s’affleurent, et se rassurent dans cette promiscuité du socle.
La syncope… je l’ai vu par exemple dans le corps de ma tante qui a assisté en direct sur le petit écran de son téléphone au bombardement de son immeuble dans la banlieue sud de Beyrouth. Les épaules se tendent, se tordent, la bouche se fige dans une demi fente et la respiration s’épaissit.
Je l’ai vu aussi dans ces images de femmes à genou qui pétrissent et consolent de petits linceuls blancs. Les yeux se révulsent vers le haut. Ca ne saigne pas ou si peu, ça ne crie pas plus, l’image est figée.“